SAUVONS LA RIPISYLVE DU RUISSEAU ET LES COTEAUX DE SAINTE MUSSE

 

Histoire de Sainte Musse

 

 

 

 

Les coteaux de Sainte Musse

Pour vivre heureux vivons cachés dit le proverbe, c'est parfois vrai et cela fut presque toujours le cas durant la durée de leur vie. Aujourd'hui, pour ne pas périr sous des coups meurtriers ou assassins, les coteaux de Sainte Musse doivent être présentés et connus du monde actuel qui jugera de leur valeur. Ils préfèrent un procès médiatique où ils risquent quand même la peine de mort, qu'une exécution rapide à coups de bulldozzers, pelleteuses et autres tronçonneuses.

Ayant passé de longs moments de mon enfance à les parcourir en long en large et en travers, à grimper dans les bras tortueux de ses plus remarquables représentants (frênes, chênes blancs, chênes verts, ormes), j'ai l'honneur, cinquante ans plus tard, de vous les présenter.

Vue aérienne des coteaux de Sainte Musse

(cliquer pour agrandir)

 

En remontant le temps du ruisseau de St Musse

Il y a une cinquantaine d'années sur les coteaux de St Musse, les champs de vignes, d'oliviers, de fleurs et de cannes grignotaient le domaine naturel, les habitants travaillaient leur terre ou étaient employés chez leurs voisins. Leurs déplacements s'effectuaient souvent à travers champs sur des chemins contournant les cultures, se faufilant d'une berge du ruisseau à l'autre, sautant de propriété en propriété. Ces sentiers n'avaient pas d'existence légale, ils étaient créés et entretenus simplement par la marche du piéton se rendant à son travail ou rentrant chez lui. Les propriétaires du sol, toléraient ces passages parce qu'ils employaient les personnes y circulant ou qu'ils présumaient qu'ils étaient employés ou familiers des propriétaires en amont ou en aval. Je me souviens des Martin, Rivière, Sénès,Vendelli, Payet, Trinchero, Mondino, Piquetti, Chadrin, Liyon, Morice, Meillard (pardon pour l'orthographe), et pour certains, leurs descendants y vivent toujours.

Un chemin partait du Pont du Suve et reliait le Chemin de Sainte Musse. Des bifurcations permettaient de rejoindre l'ancien couvent et la Ginouse par la petite route du Vieux Colombier. Ces chemins n'existent plus aujourd'hui mais ils survivent dans ma mémoire d'enfant par les émotions diverses qu'ils m'ont suscitées. La peur panique quand j'ai du les parcourir seul de nuit ou quand parfois, j'ai entendu le sifflement d'une couleuvre que j'avais effrayé accidentellement; la douleur, occasionnée par les griffes d'un roncier compensée aussitôt par la gourmandise en cueillant ses fruits mais aussi la curiosité devant le fonctionnement d'une noria d'irrigation à l'ombre d'un vénérable platane (toujours présent); d'émerveillement devant les énormes troncs d’arbres; le respect pour les restanques en pierres sèches et l'admiration pour le travail des puisatiers. Certains repères, bien qu'abandonnés et délabrés, existent encore : noria, puits, arbres, restanques. D'autres disparaissent ou sont mutilés par peur ou par confort (arbres) mais malgré tout, c'est toujours un plaisir de redécouvrir ces survivants.

Ce petit paradis champêtre a connu l'enfer en 1944. Les Allemands, ayant fortifié la ligne de crête en y construisant des batteries d'artillerie, furent la cible des forces alliées du débarquement. Comme mon oncle, touché au ventre sur le seuil de la bastide familiale par un éclat d'obus, ce site fut blessé, labouré par des tirs aveugles. Les dégats furent considérables aussi bien sur les humains que sur la faune et la flore. Blockhaus et batteries d'artillerie sont toujours là comme témoins silencieux de ces heures tragiques, mais ne faut-il compter que sur le minéral pour relater l'histoire? Si ces constructions, image de la folie des hommes peuvent induire dans nos esprit de la peur et de la méfiance vers l'autre, d'autres comme les puits et les restanques, apparaissent comme des exemples de valeurs positives comme le goût à l'effort, la patience...

Les restanques représentent une valeur paysagère mais aussi le travail acharné de nos anciens pour s'intégrer au relief. Elles étaient construites après de longues études et réflexions sur le terrain. En créant des plans sur des sols pentus, ils augmentaient le rendement de leurs parcelles mais aussi favorisaient l'infiltration de l'eau tout en combattant son ruissellement. Ces restanques ne sont pas que des monuments paysagers , ils devraient être les bases techniques de la réflexion du promoteur d'un terrain pentu. Chacune d'entre elles doit être répertoriée et restaurée, prioritairement sur les terrains à fortes pentes. Cette démarche honorerait la mémoire de nos prédécesseurs en reconnaissant la valeur de leur travail.

Dans les années 1970, l'urbanisation a remplacé la culture des cannes par des immeubles (La Licorne) ; la culture de la vigne par des immeubles (La Brunette). Entre ces deux ensembles, la ripisylve du ruisseau a été réduite et cantonnée dans un couloir d'environ 5 mètres. En amont, c'est sur le versant sud du ruisseau qu'elle a disparu suite à la construction d'un lotissement de maisons individuelles (Les Tourterelles).

Sur le versant nord, elle est toujours présente, mais pour combien de temps encore? Déja attaquée par la canalisation des eaux de ruissellement du lotissement les Tourterelles, débouchant perpendiculairement au lit du ruisseau, elle n'a eu pour remède que le bétonnage de la berge menacée d'érosion.


La ripisylve du ruisseau de St Musse

Qu’est-ce qu’une ripisylve ? C’est une formation végétale où domine l'arbre, riveraine et dépendante d'un cours d'eau ; écosystème forestier inondé de façon régulière ou exceptionnelle.

La ripisylve du ruisseau de St Musse est un refuge et source de vie pour la faune et la flore locale. On y rencontre encore tortues ( et oui…), hérissons, écureuils, musaraignes, couleuvres, orvets, rainettes, et une diversité d’oiseaux, pies, tourterelles mais aussi rossignols, rouge-gorges, chardonnerets, pinsons, mésanges, grives, merles, huppes.. Aux saisons froides, les étourneaux y sont présents et s’y rassemblent en plus grand nombre encore, le soir, avant d’aller dormir dans la chaleur de la ville.
La liste exhaustive de toutes les espèces y vivant serait trop importante à développer ici mais il faut citer encore vers luisants , kermès, sans oublier les discrets (enfin presque) animaux nocturnes comme la chouette et la pipistrelle.
Cette faune trouve dans les grands arbres, arbustes et buissons longeant le ruisseau un habitat ou perchoir protecteur.

 
 


Cette flore, en période de végétation capte les éléments minéraux (nitrates , phosphates) et les recycle pour leur croissance. Elle est un élément prépondérant d’un certain équilibre depuis fort longtemps. Elle doit être considérée et respectée. Elle était la bien avant nous et doit y rester.
Une espèce en voie d’extinction y survie (ormes) d’autres y prospèrent naturellement (laurier-tin, myrte, cognassier). Sur 20 mètres environ, trois espèces d’arbres à croissance différente représentant 6 unités (8 en comptant les doubles troncs) cohabitent (chêne blanc, chêne vert, frêne). Certains, depuis que le général Bonaparte à repris Toulon aux Anglais ( peut être davantage) mais tous ont subi les bombardements et les tirs aveugles des combats qui ont permis la prise de la colline du Thouars en 1944. Ils sont les témoins vivants de l’ histoire locale. Ils sont pour les vivants, et pourront être pour les générations futures, des repères temporels.

Devant un projet d’urbanisation global, ces arbres, ce milieu sont en danger. Si notre société doit les condamner à mort pour l’intérêt public, ils doivent être jugés en public par des spécialistes. En aucun cas, ils doivent être blessés ou abattus aveuglément par l’intérêt privé.

 

Le mot de la fin ...

On a l'impression de lire les propos d'un nostalgique du monde de Marcel Pagnol luttant de toutes ses forces contre modernisme et progrès. Mais non, le monde de Pagnol subsiste encore à Sainte Musse, j'ai le privilège d'y habiter mais il ne m'appartient pas, c'est un patrimoine commun à tous qui survit aux limites de La Garde en lisière de Toulon et de La Valette...

 

Auteurs : Bernardoni Marc, Paul et Georges saintemusse@yahoo.fr

Date de création : 26/11/2005

Date de dernière mise à jour : 15/09/09